La Tunisie est-elle devenue une place dangereuse ? Elle est devenue tristement célèbre par son taux de criminalité élevé. Trois effroyables affaires de meurtres avec des faits aggravants ont secoué les citoyens qui se déclarent hautement menacés. Les réseaux sociaux sont en effervescence, revendiquant l’application de la peine capitale aux auteurs présumés de ces homicides. Un député a aussi été victime d’une agression. L’ARP s’est manifestée, appelant à une lutte implacable, une guerre contre la criminalité. Où sont les forces de l’ordre ? Que font-elles alors que la vie des citoyens est en danger ?

Le ministère de l’Intérieur est pointé du doigt pour la mollesse de ses structures. Un laxisme que rien ne justifie si on prend en compte les budgets alloués au renforcement de ses unités, à leur équipement et aux recrutements massifs qui leur sont accordés. Absence de patrouilles dans les rues, interventions tardives et interpellations sans suite. Les services judiciaires sont aussi épinglés pour le traitement lent des affaires en cours qui laissent des centaines de coupables en liberté commettre à loisir de nouveaux forfaits.

En inscrivant à l’ordre du jour la recrudescence de la criminalité tout autant que la crise sanitaire, le Conseil de sécurité nationale, qui s’est tenu hier sous l’égide du Président de la République, a vu juste.

Car les faits sont là. Ils sont têtus. Les statistiques fournies par les autorités sécuritaires contre le crime révèlent en effet que la hausse de la criminalité en 2018 a atteint 13 % par rapport à l’année précédente. On galope à un rythme à deux chiffres chaque année. Les homicides sont passés de 331 à 401 tandis que les cas d’agressions et de viols affichent aussi un taux de croissance de 9%. Idem pour les vols et les affaires de terrorisme qui ont augmenté aussi. Le site américain Numbeo en 2017 a classé Tunis à la 17e place des villes d’Afrique où règne l’insécurité. La belle réputation d’une destination touristique et d’un site d’investissement « sûrs » commence à s’effriter. Nonobstant ces chiffres alarmants, on se permet le confort de gracier des criminels récidivistes. A chaque fête nationale, on lâche dans la nature des prédateurs toujours à l’affût de proies vulnérables. Jeunes filles, femmes âgées y passent les premiers. Rapines, vols, viols et meurtres sont le lot quotidien des Tunisiens. Jusqu’à quand allons-nous croiser les bras et attendre que la sécurité règne de nouveau ?La montée en flèche des affaires criminelles en Tunisie ces deux dernières années est si inquiétante qu’elle fait la Une des journaux locaux. Où sont les « rafles »,  se demandent les citoyens ? D’autres en appellent à l’intervention de l’armée pour sécuriser les rues, les sites de travail et les établissements scolaires. Désormais c’est la peur au ventre que les Tunisiens se rendent au travail.

Une série de mesures chocs contre la grande délinquance et les agressions sont devenues les premières revendications des citoyens. Avant même la lutte contre le Covid et le terrorisme. Ils déplorent l’échec du modèle tunisien en matière de sécurité et appellent à renforcer l’arsenal répressif contre les délinquants et à étendre les peines planchers aux auteurs de violences aggravées.

Cependant, les activistes et défenseurs des droits de l’Homme montent au créneau. Ils mettent en garde contre l’application de la peine de mort qui est en suspens depuis 1991 en Tunisie, mais dont les sentences sont toujours prononcées. Le débat sur le sujet fait rage sur la Toile. Mais hier, le Chef de l’Etat était clair : la peine capitale sera appliquée contre tous les meurtriers qui auront été reconnus coupables, notamment les récidivistes qui n’auront droit à aucune réduction de peine ou grâce présidentielle. Voilà un message à même de dissuader plus d’un criminel et de rassurer les citoyens et les familles des victimes quant à l’application des verdicts jusque-là en suspens. Mais il risque de provoquer un tollé auprès des activistes de la société civile qui y voient une dérogation au droit à la vie dont la Constitution garantit pourtant la sacralité. Quoi qu’il en soit, le sujet n’est plus tabou. Et un traitement purement sécuritaire ou judiciaire ne saurait apporter toutes les solutions. Car de nombreux facteurs sont incriminés dans la survenance de ce fléau.

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